FranceCandidat à un nouveau mandat, Macron veut rester un président pour temps de guerre

France / Candidat à un nouveau mandat, Macron veut rester un président pour temps de guerre
Emmanuel Macron a annoncé hier sa candidature aux présidentielles par une simple „lettre ouverte aux Français“ Photo: AFP/Ludovic Marin

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Coup sur coup, Emmanuel Macron s’est rappelé en force à l’attention des Français. D’abord, mercredi, en dressant un vaste et assez éloquent tableau de la situation internationale nouvelle créée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie; ensuite, hier, en mettant formellement un terme au faux suspense qu’il entretenait depuis des mois sur sa candidature à un second mandat: oui, il va bien, comme le pensait à peu près tout le monde, briguer sa propre succession.

A guère plus de cinq semaines du premier tour, on dira qu’il était temps, même s’il s’agissait d’un secret de Polichinelle; ses challengers des différentes oppositions se plaignaient d’ailleurs, à commencer par la candidate des Républicains Valérie Pécresse, du caractère surréaliste de cette vraie-fausse campagne électorale qui consistait pour eux à se battre non contre un président sortant, mais contre son fantôme, le titulaire étant de surcroît toujours plus occupé par la situation internationale et le rôle qu’il devait y jouer comme président du Conseil européen.

Conscient de la singularité de l’exercice, M. Macron – qui avait rêvé, dit-on, d’une déclaration de candidature à la fois solennelle et originale – s’est contenté d’une „lettre ouverte aux Français“, sur le modèle de ce qu’avait fait François Mitterrand en 1988, et confiée hier à la presse régionale. Listant, mais sans lyrisme ni formule-choc, lui, les points qu’il juge positifs de son bilan, et ses quelques déceptions, le tout dans un style assez plat, avant de manifester son intention de continuer à exercer sa fonction élyséenne. Non en cultivant „la nostalgie de notre propre enfance“, a-t-il notamment écrit, mais pour „construire l’avenir de nos enfants et petits-enfants“.

Et en regrettant au passage que la guerre en Ukraine, avec toutes les menaces qu’elle comporte bien au-delà des frontières de ce malheureux pays envahi et bientôt occupé par l’armée russe, le prive dans les semaines à venir de faire la campagne présidentielle qu’il aurait voulue; mais en soulignant aussi que le débat démocratique était indispensable, et aurait donc bien lieu. Même si le premier meeting que devait tenir le candidat Macron, ce soir à Marseille, a déjà été annulé – à cause de la crise, bien sûr, ce qui se respecte, mais enfin augure assez mal d’une campagne présidentielle „normale“.

Révisions d’urgence

Reste que de toute façon, indépendamment de l’équation Macron, la guerre d’Ukraine avait déjà largement commencé à bouleverser la donne électorale, en imposant quelques révisions d’urgence. L’extrême droite, très pro-Poutine jusque là, a dû précipitamment amender ses positions, indéfendables face à une opinion française horrifiée par l’impérialisme russe. De même, à l’extrême gauche, pour Jean-Luc Mélenchon, qui, non content de manifester sa compréhension aux islamistes, accablait les Occidentaux et notamment l’Otan de critiques pour leur manque de compréhension à l’égard du dictateur russe, dont il commence tout de même à trouver le comportement excessif.

Quant aux Républicains, ils ont accueilli avec soulagement la nouvelle selon laquelle leur ex-candidat de 2017, François Fillon, après avoir approuvé Poutine, se retirait finalement de ses postes de responsabilités dans la haute économie russe. Mais au-delà, les thèmes qui peuplaient jusqu’alors les discours de toute l’opposition, comme jusqu’alors l’immigration, le repli identitaire, le wokisme, et même la défense d’un pouvoir d’achat que tout annonce pourtant fort malmené dans le proche avenir, sont aujourd’hui complètement décalés par rapport aux attentes et à l’anxiété du moment.

A l’inverse, la position de pointe d’Emmanuel Macron sur la scène européenne lui donne, qu’on le veuille ou non, et que cela soit juste ou non, une franche hauteur que ses concurrents ne peuvent avoir. Une élection présidentielle, a-t-on coutume de dire dans l’Hexagone, ne se joue jamais sur la politique étrangère. Mais cette fois-ci, le président sortant (dont le règne aura été marqué par une succession de crises: manifestation contre la réforme des retraites, Gilets jaunes, terrorisme islamiste, Covid-19, déboires en Afrique, et maintenant guerre en Europe) peut espérer compter, outre sa relativement bonne position dans les sondages, sur ce réflexe populaire qui incite, selon un vieux proverbe, à „ne pas changer d’attelage au milieu du gué“.

Et il va certainement s’en servir. Car si le président est désormais candidat, nul doute que ce candidat-là compte bien rester, jusqu’au bout, président.