Interview sur „De Läbbel Fest“David Galassi: „Le rap se retrouve partout“

Interview sur „De Läbbel Fest“ / David Galassi: „Le rap se retrouve partout“
Le rappeur David Galassi Photo: archives Editpress/Isabella Finzi

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Ce week-end, à la Kulturfabrik, „De Läbbel Fest“ prend place avec un programme consacré au hip-hop, aussi bien à sa musique qu’à son état d’esprit. Ainsi, la scène luxembourgeoise (Kill Emil, Nicool ou encore Maka MC) se mélange aux Américains Smif-n-Wessun et au Suisse old school Classic Der Dicke. Rencontre avec David Galassi, grand activiste hip-hop luxembourgeois et organisateur passionné du festival.

Tageblatt: Vous considérez-vous comme un enfant du rap?

David Galassi: Bien sûr: j’ai commencé à m’intéresser au rap à l’âge de huit ans, et je n’ai, depuis, jamais arrêté d’en écouter. C’est le premier genre de musique que j’ai apprécié, de façon „consciente“. J’écoute aussi d’autres styles, mais je reviens systématiquement au rap, en tant qu’auditeur, mais aussi en tant qu’artiste avec De Läb. Jusqu’à mettre en place „De Läbbel Fest“.

Comment est né „De Läbbel Fest“?

C’est né de l’idée qu’avec De Läbbel, notre label, Corbi et moi voulions avoir notre propre festival, soit un espace pour faire jouer des artistes hip-hop au Luxembourg. Nous avons commencé l’année dernière. Et, parallèlement, c’étaient les 50 ans du hip-hop. En plus d’être une belle occasion, ça tombait à pic.

Fait part de la culture hip-hop: le breakdance
Fait part de la culture hip-hop: le breakdance Photo: Tom Jungbluth

En plus des rappeurs luxembourgeois, il y a au programme Smif-n-Wessun, qui est un duo de Brooklyn, mais aussi le Suisse Classic Der Dicke …

Quand on travaille comme promoteurs avec De Läbbel, on invite toujours des artistes internationaux, en les mélangeant à des locaux, histoire de créer des intéractions. C’est le même concept pour „De Läbbel Fest“.

J’ai commencé à m’intéresser au rap à l’âge de huit ans, et je n’ai, depuis, jamais arrêté d’en écouter

David Galassi, musicien

L’affiche fait très „old school“, comme un retour aux sources du hip-hop. Comment voyez-vous l’évolution du rap?

Ça dépend de l’angle à partir duquel on l’analyse. Si l’on se place en tant que puriste, il y a des hauts et des bas. En regardant l’évolution d’une façon plus neutre, ou plus moderne, on constate que le rap a réussi à s’intégrer à plein de genres musicaux. Plus encore: le rap se retrouve partout, de la pop à la techno en passant par le jazz. Le rap, c’est de la pop. Nous, nous sommes très „à l’ancienne“, pas que par rapport à la musique, mais par rapport à l’esprit. Nous sommes attachés à cet effet de communauté. Pour nous le hip-hop, c’est une culture avec des valeurs, qui incorpore différents éléments – expression picturale, breakdance, DJing, etc.

Dans le rap, il y a toujours eu deux pôles: le pôle hédoniste („Peace, unity, love and having fun“, pour citer Afrika Bambaataa), et le pôle politique, qui s’est un peu perdu avec le temps.

Totalement. En France, par exemple, mon école de rap, c’est IAM ou NTM. Le rap, pour moi, c’est une musique qui parle des problèmes sociaux, voire qui trouve des solutions. Maintenant, le rap, c’est une vibe, festive. C’est dommage, mais ça fait partie de l’évolution. Il en faut pour tout le monde: il y en a qui veulent du rap „conscient“, avec un message, et d’autres qui souhaitent juste se détendre et s’amuser. Moi j’écoute un peu les deux, mais, en réalité, je reviens souvent aux productions à l’ancienne.

Quelle est votre vision de la scène rap luxembourgeoise?

Quand on a commencé avec De Läb, les rappeurs pouvaient se compter sur les doigts de deux mains. Aujourd’hui, ils poussent comme des champignons. Chaque jour, je découvre un nouveau nom qui sort du lot. Résultat: la scène rap luxembourgeoise est devenue très grande. Ce qui me chiffonne, et là c’est mon côté puriste qui parle, c’est le manque de curiosité, parfois, le fait que les plus jeunes ne s’intéressent pas trop à l’Histoire. J’exagère à peine en disant que s’ils connaissent Biggie ou Tupac, c’est déjà un exploit.

Alors qu’aujourd’hui tout est accessible avec internet.

Quand j’étais plus jeune, pour trouver des informations, il fallait acheter des magazines et des livres. Aujourd’hui, il y a l’accès illimité à tout. Le mode d’écoute n’est plus le même. Avant, j’allais dans un magasin de disques, je prenais un tas de cd ou de vinyles, j’écoutais tout au casque, je faisais mon tri et je choisissais l’album pour lequel j’allais dépenser mon argent. Ensuite je m’y attardais pendant des mois, j’analysais toutes les chansons. Maintenant, la musique c’est du fast-food; il y a des milliers de sons qui sont téléchargés, alors il n’y a plus le temps d’écouter avec autant d’assiduité. Faire de la musique est également devenu plus simple, d’un point de vue logistique: il est possible d’avoir un home-studio chez soi, avec une super qualité. Ces facteurs font que la nouvelle génération consomme ou crée de la musique autrement.

Quand Nicool a débarqué, c’était super, parce que le rap manquait de rappeuses; il y en avait, mais si peu. Son exemple peut motiver d’autres rappeuses. Mais, dans la scène musicale, en général, il y a peu de femmes – je me rends compte en tant que programmateur.

David Galassi, musicien

L’une des particularités de la scène rap luxembourgeoise, c’est que certains artistes, comme Turnup Tun ou Culture The Kid, alternent les langues.

Tout à fait. Cela dit, on peut remarquer que, même à l’étranger, de plus en plus de rappeurs osent mélanger les langues. Avant, ici, il y avait peut-être une petite barrière, dans le principe de rapper en français, tout en mettant des mots luxembourgeois, anglais ou allemand. Maintenant, moins. Et vu qu’on a cette richesse des langues au Luxembourg, il y a des artistes qui ne se privent pas de switcher. C’est cohérent et naturel, parce que c’est la situation de notre pays.

Alors que le rap a longtemps été un genre très masculin, au Luxembourg il y a aussi des rappeuses, comme Nicool, qui est à l’affiche du festival.

J’en suis très heureux. Quand Nicool a débarqué, c’était super, parce que le rap manquait de rappeuses; il y en avait, mais si peu. Nicool voulait faire du rap, elle était obstinée. Et son exemple peut motiver d’autres rappeuses. Mais, dans la scène musicale, en général, il y a peu de femmes – je me rends compte en tant que programmateur.

Vous disiez que le rap était la pop d’aujourd’hui: comment voyez-vous le hip-hop de demain?

Ouh, c’est difficile à dire. Je pense que le rap conscient, à l’ancienne, va revenir. Il n’y a qu’à voir en 2011, déjà, il y avait Joey Bada$$ qui rappait sur des sons old school, avec une touche moderne, via sa voix et son flow, jusqu’à s’orienter vers une pop plus mainstream. Une mode revient toujours. Quoi qu’il en soit, le rap est partout; je n’ai pas peur qu’il disparaisse.

De Läbbel Fest

Ce samedi, 14 septembre, à partir de 17.00 h à la Kulturfabrik à Esch-sur-Alzette (116, rue de Luxembourg, L-4221).