ForumLuc à côté de l’Histoire et Fernand à côté de la plaque

Forum / Luc à côté de l’Histoire et Fernand à côté de la plaque
 Photomontage: Tageblatt

Jetzt weiterlesen! !

Für 0,59 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

„Chaque fois que j’ouvre la bouche, il y a un idiot qui parle …“, disait il y a 60 ans mon prof de biologie, au Lycée de garçons. En fait, vous avez compris qu’il voulait dire que pendant son exposé, il y avait toujours un élève qui continuait à parler, le plus souvent avec son voisin de banc. Après les récentes prises de position de notre premier ministre, j’hésite à choisir entre l’explication de texte ci-dessus à prendre à la lettre ou une autre explication de texte qu’il faudrait comprendre au deuxième degré.

A part ses nouveaux costumes trop larges, Luc nous ressort presque exclusivement de vieux adages, du rabâché, du réchauffé, des plats anciens servis dans des casseroles nouvelles, plus clinquantes, des analyses, à la fois politiques qu’économiques, qui datent pour la plupart du temps qui précédait même ses anciens agissements d’ancien ministre qu’il fût, il y a plus de 20 ans. Ses conseillers seraient bien conseillés de mettre un peu à jour ses analyses, son logiciel, qui changent au gré de la situation et qui ne font que confirmer que ce Monsieur fait surtout preuve d’absence de colonne vertébrale. Mais comme disait l’autre: „Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent!“

Passons d’abord aux faits

Récemment, une phrase du premier ministre m’a fait sursauter. Il affirmait qu’il fallait, en Europe, mais surtout en France, condamner tous les extrêmes, de gauche comme de droite. J’ai relu trois fois. Dans un quotidien gratuit, cela lui a même permis de faire les gros titres sur la „une“: „L’appel de Frieden contre les extrêmes“. Ainsi, il met au même niveau le discours extrémiste, clivant, haineux, anti-européen, irrespectueux de l’autre, des Le Pen, Kartheiser et consorts d’un côté, avec, de l’autre côté, le Nouveau Front populaire, qui se propose de réunir les citoyens, de les rapprocher les uns et les autres, qui participe de l’intégration européenne dans le respect des petites nations, qui prône la solidarité, etc.

Il visait certainement Mélenchon, une tête de turc idéale, mais il a atteint, dommage collatéral oblige, e.a. les sociaux-démocrates Hollande, Scholz, Glucksmann, voire Nicolas Schmit, tous connus pour constituer un danger imminent pour la société, au même titre que les néo-fascistes énumérés plus haut. (Attention: second degré!)

C’est vraiment rare de voir un premier ministre se tromper aussi gravement au sujet d’une interprétation et d’une analyse de l’Histoire, fût-elle récente. Jean-Marie Le Pen et François Mitterrand même combat? Si tacuisses!

Un rendez-vous avec l’Histoire loupé?

Quelques semaines avant les élections européennes, Ursula von der Leyen, spiritus rector de Luc, la cheffe de file des conservateurs en Europe, avait déjà flirté, avec l’aval de Luc, Lucky (Luke?) pour les intimes, avec les fascistes, de vrais extrémistes de droite, pour s’assurer éventuellement une majorité, au cas où. Il a fallu, au niveau du Luxembourg, l’intervention du sage de Capellen et d’une ancienne ministre du Nord, par ailleurs très sympathique, pour remettre les pendules à l’heure. Le président du groupe CSV à la Chambre n’y trouvant rien à redire, tout comme le président de la Chambre. Faire le canard a toujours été une discipline très prisée dans ce parti. En allemand on appelle ces énergumènes tout simplement „Mitläufer“.

Il y a quelques jours, en France, l’ancien premier ministre de droite Dominique de Villepin, célèbre pour son discours anti-interventionniste, lors de la guerre de l’lrak, aux Nations Unies en 2003, a choisi une voie complètement opposée. Sentant le moment historique et le vent de face de l’Histoire (oui, avec un H majuscule!) souffler, étant conscient de l’importance de la séquence présente, se souvenant des années trente du siècle dernier, des hésitations et des tergiversations des uns et des autres, il a refusé clairement de renvoyer dos à dos le parti d’extrême droite et la nouvelle union de la gauche, appelée Nouveau Front populaire, affirmant que le Rassemblement national constitue la véritable menace pour la France. Et que ce dernier risque de banaliser les thèses extrémistes qu’il véhicule. Et de continuer: „Pour la France, le risque de discrédit, le risque de tensions avec certains de nos grands alliés et des pays du Sud global (…), le risque de coupure et de cassure serait trop important. (…) Je pense que c’est un risque à ne pas prendre, on va risquer de banaliser le Rassemblement national.“

Et de Villepin de continuer: „C’est un parti de protestation, pas de proposition. Ce sera de la surenchère permanente, l’accélération de la dérive de la France.“

Que penser des appréciations de notre premier ministre, qui a ressorti l’ancien Luc tout en mettant le nouveau au vestiaire, pour mettre sur un pied d’égalité l’extrême droite et l’extrême gauche, alors qu’au Parlement européen son parti, le PPE s’apprête finalement à pactiser avec les sociaux-démocrates de Nicolas Schmit et autres, en France membres du Nouveau Front populaire. Ne faudrait-il pas chercher l’explication des paroles du premier ministre luxembourgeois dans le fait que cette nouvelle union de la gauche se propose surtout et tout simplement, pour faire court, de „faire payer les riches“, en fait les copains de Luc.

Des fois il ne faut pas aller trop loin, pour chercher des explications, n’en déplaise.

Fernand le bonimenteur

Commençons par les explications: selon le dictionnaire un bonimenteur est une personne qui tient des propos habiles et trompeurs. Comme synonyme on nous propose les termes de „camelot, charlatan, baratineur“. Si vous pensez que j’ai l’intention de parler du plus grand bonimenteur (ou menteur?) de la Chambre des députés qu’il vient de quitter (quel soulagement!), pour laisser la place à la plus grande lumière politique que le Luxembourg ait jamais connue (sic), vous avez gagné un billet pour aller assister à une réunion du groupe parlementaire que Monsieur Fernand vient de rejoindre à Bruxelles, je veux parler du groupe ECR, le groupe des Conservateurs et réformateurs (resic) européens. En fait le groupe des fascistes et des néo-fascistes. Un de leurs objectifs principaux consiste à détruire de l’intérieur l’intégration européenne, pour mettre les petits pays, comme le Luxembourg notamment, sous les fourches caudines des grands pays européens.

Attention: si vous êtes une personne de couleur, racisée, de religion non chrétienne, une personne LGBTQ2+ (acronyme qui décrit les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queer, bispirituelles ou ayant d’autres identités ou expressions de genre ou qui sont socialement marginalisées d’autres façons), n’y mettez pas les pieds. Vous risquez gros. En plus vous risquez d’y rencontrer du beau monde: des députés d’extrême droite Fratelli d’Italia, nostalgiques du fasciste Mussolini, ceux du parti d’extrême droite espagnol VOX, nostalgiques de la dictature de Franco, tous amis de Hitler, et, surtout, Mme Marion Maréchal-Le Pen, du même parti politique que l’homme politique le plus dégueulasse que je connais, Eric Zemmour, copain intime de notre Fernand national(isé). Si vous connaissez les positions de ce Monsieur, vous avez envie de vomir. Il est un des fervents supporters du concept de remigration, une forme de déportation, de retour forcé dans leur pays d’origine des migrants des pays non européens. Cela fait froid dans le dos. Pour le Luxembourg cela serait synonyme de catastrophe économique, sans même parler des problèmes humains collatéraux. Mais qu’importe, il s’agit de faire croire aux ignares que la mère de toutes les solutions à tous les problèmes qu’on peut rencontrer, est l’Europe des nations.

Avant les élections européennes, Fernand et ses con-frères de l’ADR n’ont eu de cesse de nous raconter des bobards sur leur façon de voir l’Europe de demain. Sans jamais nous préciser quoi que ce soit, ils nous faisaient miroiter la chimère de l’Europe des nations, un danger mortel, une épée de Damoclès, notamment pour le Luxembourg qui est plus fort et mieux protégé quand il est intégré dans un environnement collectif avec ses règles connues, respectées par les autres pays, au lieu de devoir se réinventer, se réorganiser, se défendre tous les jours, chercher en permanence des alliés et des partenaires pour survivre, sous une forme de guerre froide économique permanente, entre nations européennes. En fait ils veulent tout simplement détruire l’Europe de l’intérieur, comme rappelé déjà plus haut. La Russie, la Chine et beaucoup d’autres se délecteraient de voir leur travail de sape accompli par des Européens eux-mêmes, fussent-ils luxembourgeois, français, hongrois ou autre.

En fait il faudrait féliciter Fernand et les siens, sûrement futurs détenteurs de l’ordre du mérite russe, car ils ont réussi à mettre notre pays sur la liste des nations qui ont l’immense mérite d’envoyer un député d’extrême droite à Bruxelles, au solde de Moscou. On dirait qu’une certaine forme de normalisation s’est produite dans notre pays. Honte à nous!

La Russie va pavoiser: la voilà qui enregistre au Parlement européen un supporter téléguidé supplémentaire de ses obscures actes de guerre d’invasion en Ukraine, appelés „opération militaire spéciale“. L’Ukraine va pleurer, voire souffrir, car la partie adverse sort renforcée des élections européennes. Peut-être qu’un jour on saura combien cela aura coûté au trésor russe de financer notamment des campagnes électorales des partis d’extrême droite en Europe. Sans parler d’autres formes de financement plus ciblées et plus individuelles. Un jour viendra… Le seul aspect positif de cette opération est de savoir que dorénavant notre Fernand national(iste) passera moins souvent à la télé bienveillante, où il avait un abonnement quasi quotidien.

Mais sachant qu’il sera remplacé par la plus grande lumière politique luxembourgeoise de tous les temps (défense de rigoler), n’est pas fait pour nous réjouir longtemps. Un populiste d’extrême droite qui se revendique du populisme d’extrême droite. Un vrai intellectuel!

Ça promet.


Nota bene: En France et ailleurs, le pire est à venir. Si les extrémistes de droite, qui ont mis leur drapeau de raciste dans leur poche pour quelques semaines, prennent le pouvoir, cela sera synonyme d’ouvrir les portes à toutes formes de racisme au quotidien, le pire. Les paroles racistes seront libérées définitivement. Cette sauce est déjà en train de monter. Nos concitoyens français et les nombreux frontaliers français doivent en être conscients et ils devraient se méfier d’un effet boomerang qui n’est pas inimaginable.

René Kollwelter est un ancien député et ancien conseiller d’Etat
René Kollwelter est un ancien député et ancien conseiller d’Etat Photo: Editpress/Alain Rischard