FranceNommé premier ministre, Michel Barnier va affronter un Parlement sans majorité

France / Nommé premier ministre, Michel Barnier va affronter un Parlement sans majorité
Le successeur de Gabriel Attal à Matignon: Michel Barnier Photo: AFP/Joël Saget

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Emmanuel Macron a finalement nommé premier ministre, hier après-midi, le député LR Michel Barnier, ancien ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et des Affaires étrangères, pour succéder à Gabriel Attal, après 51 jours d’hésitations, de consultations et de tergiversations. La passation de pouvoirs a eu lieu quelques heures plus tard, mais sans attendre cette brève et symbolique cérémonie, de nombreuses réactions se sont fait entendre.

Qui a dit en 2022: „Notre pays n’a pas été bien gouverné. L’échec du président sortant est clair. Emmanuel Macron a gouverné notre pays à l’intérieur et à l’extérieur, de manière solitaire et arrogante. Et ce n’est pas ça la Ve République. Il faut qu’il y ait de la confiance, ce qui n’a pas été le cas depuis cinq ans entre les maires, les régions, les départements et le pouvoir exécutif.“? On l’aura déjà deviné: c’est Michel Barnier, qui va désormais incarner, en tandem avec le chef de l’Etat, une cohabitation d’un nouveau genre.

Après tant d’allées et venues, d’annonces d’un „favori“ du jour qui ne l’était plus le lendemain, de contradictions, là aussi d’un jour sur l’autre, entre tous les acteurs de ce vaudeville politique auquel les Français auront assisté, en intermittence avec les Jeux olympiques et paralympiques, en en souriant de moins en moins, la nomination de Michel Barnier court le risque d’apparaître comme un choix par défaut, quelles que soient les qualités du nouveau promu.

Pourtant, ces qualités existent. Il s’agit, tout le monde semble à peu près d’accord là-dessus, d’un honnête homme, fidèle à ses convictions, à sa région de Savoie, aux élus locaux et même à ses amours gaullistes de jeunesse. Et plutôt doué pour le dialogue: commissaire européen, il fut aussi un bon négociateur du Brexit. Ouvert au dialogue, sur sa droite comme sur sa gauche, c’est aussi, sans doute, ce qui lui aura valu de triompher dans la dernière ligne droite de ses deux rivaux les plus crédibles.

D’un suspense l’autre …

Autrement dit l’ancien premier ministre socialiste modéré Bernard Cazeneuve, à qui les mélenchonistes, qui tiennent encore les rênes du Nouveau Front populaire, ne pardonnaient pas sa condamnation de la mainmise de LFI sur sa propre famille, et de ses orientations antisémites moins encore ; et puis, à droite aussi, Xavier Bertrand, que le RN poursuit de son côté d’une inexpiable vindicte car il aura été très constamment l’adversaire de l’extrême droite dans sa région nordiste d’élection, les Hauts-de-France.

Pour autant, cette assez bonne image personnelle dont dispose M. Barnier dans une classe politique française si terriblement fractionnée aujourd’hui ne lui garantit évidemment aucune sérénité parlementaire, c’est même un euphémisme. Au Palais-Bourbon, il pourra certes compter sur les voix de 47 députés de la Droite républicaine, nouvelle appellation des LR, dont le président du groupe Laurent Wauquiez s’est félicité de la nomination „d’un homme d’une grande qualité, qui a tous les atouts pour réussir dans la difficile mission qui lui est confiée“. Mais même dans les rangs macronistes, sa nomination est accueillie assez froidement. Les macronistes de Renaissance ont annoncé que leurs 99 députés „ne voteront pas automatiquement la censure (ce qui paraît bien le moins!), mais qu’ils auront „des exigences sur le fond“ et se refuseront à tout „chèque en blanc“. Mais du côté des deux oppositions radicales, les choses s’annoncent compliquées.

Du côté de La France insoumise, la cheffe des députés, Mathilde Panot, qui continue de proclamer que la gauche a remporté les législatives le 7 juillet, donne rendez-vous à ses troupes dans la rue le 7 septembre, et appelle à la destitution d’Emmanuel Macron. Son collègue LFI Manuel Bompard confirme de son côté l’intention des Insoumis de censurer le gouvernement Barnier. De fait, il est très probable que les 193 députés de gauche voteront d’office la censure. Ce qui revient à dire que ce sont les 126 parlementaires du Rassemblement national qui joueront les arbitres: s’ils se ralliaient à une telle motion de censure, celle-ci recueillerait largement la majorité requise pour renverser le gouvernement avant même qu’il ait eu le temps de commencer à agir.

C’est dire que si le suspense sur le nom du nouveau chef du gouvernement s’est achevé hier, un autre commence: combien de temps (et avec quelle équipe ministérielle) pourra-t-il tenir ?

Barnier a représenté l'UE lors des négociations sur le Brexit. Dans ce cadre, il a également eu plusieurs réunions de travail avec le Premier ministre luxembourgeois de l'époque, Xavier Bettel.
Barnier a représenté l'UE lors des négociations sur le Brexit. Dans ce cadre, il a également eu plusieurs réunions de travail avec le Premier ministre luxembourgeois de l'époque, Xavier Bettel. Photo: Editpress/Julien Garroy