Loup dans la bergerie

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La majorité des juifs du Luxembourg n’a jamais été indemnisée pour le préjudice infligé sous l’occupation. Comment s’en étonner lorsqu’on se penche sur le cas de Léon W.? Il révèle non seulement l’ampleur de la collaboration de certains Luxembourgeois aux persécutions antisémites, mais aussi la manière dont cette question fut étouffée après la libération. Pire encore: il montre que les hommes à qui fut confiée la charge d’indemniser les survivants de la Shoah étaient ceux-là mêmes qui les avaient spoliés.

De Vincent Artuso

La question des spoliations des biens juifs pendant la guerre vient de réémerger, malgré les efforts déployés depuis des décennies pour l’étouffer. En effet, lorsqu’il est question de
ce sujet il n’est pas suffisant d’évoquer un quelconque tabou historique. Le silence a été sciemment et systématiquement organisé, comme l’illustre le cas de Léon W.: expert-comptable reconnu, citoyen luxembourgeois de naissance et nazi convaincu.
Léon W. avait vécu une vingtaine d’années en Allemagne avant de revenir au Luxembourg en 1938. De son pays d’adoption, il avait rapporté quelques convictions inébranlables ainsi qu’une solide expérience professionnelle qui lui valut de se voir rapidement confier des responsabilités par le gouvernement, en particulier au sein de la Caisse d’épargne et de Radio Luxembourg.

La liquidation des entreprises „juives“

Peu après le début de l’occupation allemande, la Commission administrative – le gouvernement de fait du pays – l’avait nommé à la tête du Collège des contrôleurs. Cet organe avait pour mission d’encadrer l’activité des administrateurs provisoires auxquels avaient été confiées les entreprises dont les propriétaires avaient fui l’invasion. Rappelons que le 10 mai 1940 plus de 40.000 Luxembourgeois s’étaient réfugiés en France et que 40.000 autres avaient été évacués vers le nord du pays.

Au début du mois de septembre 1940, la grande majorité des déplacés avait été rapatriée, à l’exception notable de 2.000 juifs qui, même s’ils avaient souhaité rentrer, n’en auraient pas eu le droit. Si bien que le Collège des contrôleurs était devenu de fait une autorité de tutelle pour les entreprises „juives“. Or, au même moment, le Gauleiter Gustav Simon, en sa qualité de Chef der Zivilverwaltung (CdZ), imposait les premières mesures visant à aryaniser l’économie luxembourgeoise, autrement dit d’en éliminer les juifs.

Le Collège des contrôleurs se trouvait donc dans une situation ambigüe dont il sortit le 17 octobre 1940, lorsque W. et trois des six autres experts-comptables qui y siégeaient, coupant définitivement les ponts avec la Commission administrative, fondèrent la Reichs- und Treuhandgesellschaft Luxemburg (RuT). Cette entreprise, qui collaborait étroitement avec la Verwaltung des jüdischen und sonstigen Vermögens, avait pour tâche de préparer la vente au rabais des entreprises „juives“ et de liquider celles qui n’étaient pas considérées rentables.

Un nazi convaincu

Le président du Collège des contrôleurs, puis de la RuT, était sans aucun doute un nazi convaincu. Léon W. admirait le Troisième Reich et ne s’était pas privé de le faire savoir dès avant l’invasion. Après l’annexion de fait du Grand-Duché par le Troisième Reich, il s’était tout naturellement engagé en faveur du nouveau régime. Il avait adhéré très tôt à la Volksdeutsche Bewegung (VdB), le parti unique pro-nazi et, au mois de septembre 1940, l’administration allemande l’avait placé à la tête de la branche luxembourgeoise du Nationalsozialistischer Rechtswahrerbund (NSRB).

En tant que dirigeant de l’association nazie des professions du droit, W. devait notamment faire parvenir des évaluations de ses collègues à l’administration allemande. Celle qu’il rédigea au sujet de l’expert-comptable JeanJoseph L. témoigne de ses convictions pro-allemandes, nazies et antisémites: „War politisch, schriftstellerisch und rednerisch tätig, kämpfte für entgegengerichtete, radikale und kommunistische Ideen; gehörte der politisch linksliberalen Studentenvereinigung ‚Assos‘ an und soll auch Logenbruder gewesen sein. Er soll eine führende Stelle in der im Solde der Juden Frankreichs und Englands stehenden antideutschen Liga für Menschenrechte eingenommen haben. Er wird ebenfalls als Schriftführer dieser Vereinigung bezeichnet und als solcher sich antideutsch im Dienste jener jüdischen Kriegshetzer und Plutokraten betätigt haben. “

On pourrait supposer qu’après la libération, ce fervent nazi qui joua un rôle essentiel dans la spoliation des juifs – mais aussi des familles de réfractaires déportées dans le Reich! – fut sévèrement puni. On se tromperait. Léon W. continua de mener son existence comme si de rien n’était. Cela n’alla pas sans soulever certaines protestations mais, apparemment, il pouvait compter sur d’influents protecteurs.

Au service de l’Office des dommages de guerre

Le 17 mars 1945, l’Association professionnelle luxembourgeoise des experts comptables adressa une longue lettre au ministre de l’Epuration, Robert Als, pour dénoncer l’impunité dont profitait W. et se plaindre du fait que l’Etat n’hésitait pas à recourir à ses services. W. travaillait désormais pour l’Office des dommages de guerre.

Als semble s’être adressé au directeur de cet organisme puisque ce dernier lui adressa un courrier le 3 octobre 1945, soit près de six mois plus tard, dans lequel il écrivait notamment: „Les experts de la Revisions- und Treuhandgesellschaft Luxemburg […] se sont occupés durant l’occupation allemande de la liquidation des avoirs juifs et ont en cette qualité agi au nom et pour le compte du CdZ […]. Ils possèdent des pièces établies lors de la liquidation des dits avoirs juifs et certifient conformes les copies qu’ils délivrent actuellement à leurs clients, c.à.d. aux juifs-mêmes dont jadis ils ont liquidé les biens et qui aujourd’hui sont rapatriés. Nous nous demandons si la moralité et salubrité publiques admettent que les mêmes personnes qui de 1940 à 1944 étaient aux ordres du CdZ peuvent à partir de 1944 agir pour compte des juifs rapatriés et produire des pièces qui étaient à leur disposition à l’époque où ils étaient au service du CdZ.“

L’enquête fut enterrée

La question du nouvel employeur de Léon W. et de ses collègues de la RuT était certes pertinente, elle n’en resta pas moins purement rhétorique. W. ne fut pas inquiété malgré – ou peut-être en raison – des efforts de Robert Als pour faire la lumière sur les responsabilités de Luxembourgeois dans la spoliation des bien „juifs“. Le 21 janvier 1946, le ministre de l’Epuration transmit le dossier de l’expert-comptable au parquet général d’Etat afin que celui-ci engage une procédure pénale.

Deux mois plus tard, il lui faisait également suivre la lettre du directeur de l’Office des dommages de guerre, en l’accompagnant d’un message dans lequel il soulignait: „Il importe de se rendre compte que de l’activité des experts-comptables […] durant l’occupation ennemie est répréhensible.“

Six mois plus tard, Als relança le Parquet qui ne lui avait toujours pas envoyé de réponse concernant cette affaire. Celle-ci arriva finalement en juillet 1947. Le Parquet avait décidé de confier l’affaire Léon W. au tribunal spécial et de classer sans suite les dossiers des autres membres de la RuT. Puis, près d’un an plus tard, le 27 mai 1948, Als fut informé que le dossier W. était à son tour classé.

L’enquête sur Léon W. et sur ses collègues de la RuT avait été purement et simplement enterrée, au bout de trois ans de pourrissement. Les agissements de ces experts-comptables ne devaient en aucun cas être punis ni même évoqués. Qui en avait décidé? Les sources disponibles ne permettent pas de le savoir.

Robert Als, ancien Avocat général au Parquet général d’Etat, avait pour sa part fait son possible pour qu’une instruction soit ouverte. Cela n’avait pas suffit à faire bouger les choses. Pendant ce temps, les hommes qui avaient été un rouage essentiel de l’Aryanisation traitaient les dossiers d’indemnisation de leurs anciennes victimes.

 

roger wohlfart
1. Dezember 2018 - 18.13

Dat ass däschtert Kapitel aus der Lëtzebuerger Geschicht. Nach lang nët all Lëtzebuerger ware Widerstandskämpfer . Nët jiddfereen ass dofir gemat, Déi meescht hunn eng Fauscht an der Täsch gemat ët ass hinne jo och dacks näischt anescht iwwregbliwwen. Da goufen ët awer och nach d'Matleefer d'Collaborateuren an d'Gielemännercher, d'Profiteuren, d'Opportunisten. Déi, déi sech beräichert hunn, un den Zwangsëmgesiedelten , den Déportéierten an un de jiddesche Matbierger déi Hals iwwer Kapp d'Land verlooss hunn oder am KZ geland sinn. Déi, déi vun deene Leit hirem Misär profitéiert hunn, waren traureg Gestalten, profitgierech Elementer ouni Gewëssen. Eng Partie vun hinnen, hunn sech nomm Krich selwer als Patrioten an esouguer als Resistenzler bezeechent, a Carrière gemaach. Si hate keng Skrupelen. Ët gëtt héich Zäit, dass dëst trauregt Krichs-a Nokrichskapitel opgeschafft gëtt , aus Gerechtegkeet a Respekt virun den Affer.